Rapt d'une jeune fille consentante
La flûte joue dans la clairière
A l'orée de la forêt.
La belle Stoyana s'en va
Emplir sa cruche à la fontaine.
Du jardin appelle et crie
Sa tante qu'elle déteste:
"Perds-tu la tête Stoyana,
De sortir de si grand matin?
Arrête! nous irons ensemble."
Puis elle court chez la mère
Pour dénoncer Stoyana
Qui s'en va dans la clairière.
quand la vielle mère arrive
Sur la haute véranda,
Elle se met à pleurer
En apercevant au loin
Le drapeau couleur de sang
Au milieu des insurgés
Et Stoyana - tache blanche
Dans les bras de Doitchine.
Quand il a vu s'avancer
Sa chérie, sa bien-aimée,
D'entre les gars il a bondi
Et, du doigt, il l'a montrée:
"Eh! compagnons, levez-vous!
La voilà qui vient - regardez:
C'est mon oiseau de la forêt,
C'est ma petite fiancée!"
Tout joyeux, il s'en est couru
Vers Stoyana, la toute belle,
Et quand elle lui a souri
Son fusil fut de la fête.
A son tour la droujina tire
Et chante la Veille des noces
Stoyana ouvre les bras
Son jeune amoureux l'étreint.
Mais la pauvre vieille mère,
Voyant cette trahison,
Verse des pleurs et maudit
La fille et son séducteur:
"Que jamais tu ne fleurisses,
Fille ingrate, près de lui,
Que, chaque jour, tu dépérisses,
Clouée au lit un an durant!
Que la maladie te possède,
Que la scrofule te dévore,
Et que Doitchine n'échappe
Ni à la prison, ni aux chaines!
Ce haidouk qui t'a séduite,
Puisses-tu le voir empalé,
Lui qui se moque de toi
Avec les nymphes des forêts,
Lui qui m'a pris ton grand frère
Pour en faire un rude haidouk.
Et maintenant qui t'entraîne
A quitter ton père et ta mère!"
Ces imprécations réveillent
Le vieux père de Stoyana.
Il sort de sa chambre, effaré
Frappant sa tête de ses poings.
Mais quand il voit Doitchine,
sa fille et son fils aimé,
Passant la main dans sa barbe,
Il s'adresse à la forêt:
"Forêt, ma mère chérie,
Tant d'années tu m'as nourri,
Forêt, moi, le vieux rebelle,
Avec mes gars bien choisis!
Et ces enfants, nourris-les.
Tant que le soleil luira,
Tant qu'un oiseau chantera
Que ce drapeau se déploie!"
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