Adieux 1868
Ô ma mère, ne pleure pas!
Oui, ton fils est un haidouk,
un haidouk, un insurgé!
Malheureuse, je t'ai laissée
T'endeuiller de ton premier-né.
ne pleure pas, mère, maudis
La persécution des Turcs
qui nous q chqssés, nous les jeunes,
vers la triste terre étrangère
où nous errons sans feu ni lieu,
Privés d'amour, privé de tout.
Je sais, ma mère, que tu m'aimes.
Je sais que je peux mourir jeune,
Demain, peut-être en traversant
Le tranquille Danube blanc,
Mais peux-tu me dire que faire?
C'est toi, mère, qui m'as donné
Un cœur viril, cœur de héros,
Un cœur qui ne peut supporter
De voir le Turc se déchaîner
Sur le foyer de mes ancêtres,
Sur le pays où j'ai grandi,
Où j'ai suvé le premier lait,
Sur le pays de mes amours
Où ma bien-aimée soulevait
Le regard de ses grands yeux sombres
Et, avec un très doux sourire,
L'enfonçait dans mon cœur blessé.
C'est là que mon père et mes frères,
Terriblement souffrent pour moi...
Ô ma mère, mère héroique,
Adieu, donne-moi ton pardon.
Au dos, j'ai déjà le fusil
Et je cours à l'appel du peuple
Lutter contre notre ennemi,
Là-bas, pour tout ce qui m'est cher;
Pour toi, pour mon père et mes frères.
Mère, lorsque tu entendras
siffler les balles sur ton toit,
Quand tu verras surgir les gars,
Sors de chez toi, demande-leur
Où donc est resté ton enfant.
Et s'ils te disent que je suis
tombé, frappé par une balle,
Qlors, mère, ne pleure pas,
N'écoute surtout pas les voix
Mauvaises qui diront de moi
"Il s'est conduit comme un vaurien!"
Rentre chez nous et que ton cœur
raconte tous à tes petits
Pour qu'ils sachent et se souviennent
Que leur frère est tombé loin d'eux.
Ce malheureux ne pouvait pas
Devant les Turcs baisser la tête.
Il ne pouvait voir sans frémir
Les souffrances des pauvres gens.
Dis-leur, mère, qu'ils s'en souviennent
D'aller chercher sur les rochers,
Ma chair blanche, ma chair durcie,
Sur les rochers hantés des aigles,
Mon sang noir, séché dans la terre,
Dans la noire terre, ma mère.
Puissent-ils trouver mon fusil,
Mon fusil, ma mère, et mon sabre,
Et s'ils rencontrent l'oppresseur,
Qu'ils le saluent d'une cartouche,
Qu'ils le caressent de mon sabre.
Mère, si tu as trop de peine
Pour leur conseiller tout cela,
Contente-toi de rassembler
Devant chez toi, les jeunes filles.
Elles danseront le horo
Et quand viendront les jeunes gens,
Quand viendra ma triste amoureuse,
Alors, ma mère, écoute bien,
Avec mes frères en bas âge,
Le chant vainqueur de mes exploits,
Comment et pourquoi j'ai péri
Et quels furent mes derniers mots
En tête de ma droujina...
Tu regarderas, pauvre mère,
Ce horo bruyant et joyeux
Et quand tes yeux rencontreront
Le regard de ma bien-aimée,
un profond soupir sortira
De deux cœurs qui me sont précieux,
Le sien, ô ma mère, et le tien.
Deux lourdes larmes tomberont
Sur un vieux cœur et sur un sein jeune.
Cela mes frères le verront,
Et ils sauront, en grandissant,
Aimer et hair comme, moi,
Aimer et hair fortement.
Mais si, ô ma mère chérie,
Au village je m'en reviens
Sain et sauf, le drapeau au poing,
Avec mes hardis compagnons
Dans leurs beaux habits de soldats,
Le front paré d'un lion d'or,
A l'épaule le fin fusil,
au côté le sabre-serpent,
Alors, ô mère de héros,
Ô belle, ô bonne bien-aimée,
Cueillez des fleurs dans le jardin,
De gros bouquets de géranium
Et du lierre pour des couronnes.
Ornez-en têtes et fusils!
Toi, mère, viens à ma rencontre,
Sur mon front pur, pose un baiser,
Vois, on y lit les mots suprêmes:
Vivre libre ou mourir en brave!
Et j'étreindrai ma bien-aimée
Je poserai sur son épaule
Ma main sanglante, elle entendra
Palpiter le cœur d'un héros.
D'un baiser je boirai ses pleurs...
Et puis... Mère, pardonne-moi,
Toi, bien-aimée, ne m'oublie pas.
La droujina déjà s'en va.
La route est dure, mais glorieuse,
Il se peut que j'y meure jeune...
Je ne veux d'autre récompense
Qu'un beau jour le peuple proclame:
"Le pauvre est mort pour la justice,
La justice et la liberté."
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