A ma mère
Ma mère, est-ce possible que, pendant trois ans,
Tu aies chanté si tristement. Tu m'as maudit
Et je m'en suis allé, vagabond, malheureux.
Au loin j'ai rencontré ceux que mon âme hait.
Ai-je changé les biens de mon père en boissons?
Toi, t'ai-je transpercée de si cruelles flèches?
O mère, ma jeunesse encore toute fraîche
Se desséche pourtant, s'ulcère, disparaît.
Mes braves compagnons me regardent, joyeux,
Parce que, moi aussi, avec eux tous je ris.
Mais ils ne savent pas combien je dépéris,
Ni combien je vieillis, brûlé par la gelée!
Comment le sauraient-ils, car je n'ai pas d'ami
A qui je puisse révéler mes grands secrets,
Dire qui j'aime, en quoi je crois, quels sont mes rêves
Et mes pensées, livrer mon cœur et ses souffrances.
A part toi, petite mère, je n'ai personne.
Tu es pour moi l'amour, tout l'amour, et la foi,
Mais je n'ai plus de force, je n'espère plus
Rien de l'amour, mon cœur en silence s'éteint.
J'ai tant rêvé, ma mère, et le jour et la nuit,
Qu'ensemble nous verrions le bonheur et la gloire.
Je me sentais si fort, que n'ai-je désiré?
Pour chaque rêve, hélas! une fosse était
prête.
Un seul désir, un seul, dans mon âme est resté.
Retomber dans tes bras si doux, me sentir vivre,
Afin que ma jeunesse amère, moribonde,
A toi puisse se plaindre, à toi si dénuée.
Que j'étreigne une fois encore, sans rancune.
Et mon père et ma sœur et mes frères chéris...
Alors mon sang pourra se figer dans mes veines.
Mon cœur pourra pourrir à jamais dans la tombe.
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