L'orage
Un noir nuage s'est levé
Sur la forêt, vers le Balkan:
Sera-ce une légère ondée
Ou un orage violent?
Oh! vieil homme, comme il fait lourd!
La charrue avance à grand peine.
Tu jettes le grain derrière elle:
Sueur du front, grêlons des yeux.
Vieil homem, pourquoi pleures-tu
Au long des sillons que tu creuses?
Redoutes-tu la sombre nue?
Crains-tu la mort pour tes garçons?
Raconte-moi; je n'oublie pas
Quel fier gaillard tu as été;
Dieu garde Stoiana, ta femme.
Elle chantait, tu labourais.
L'année dernière, souviens-toi,
Quand je passais dans la forêt,
Je t'ai vu parmi les rebelles
Et tu semblais être leur père.
Quel brave tu étais alors!
Maintenant tu pleures, pourquoi?
Le drapeau ne flotte-t-il plus?
Ou bien ton vieux cœur s'est-il tu?
"Enfant, pourquoi me questionner?
Entends le corbeau croasser,
Va au village, tu verras,
Tu comprendras pourquoi je pleure:
Je suis derrière ma charrue,
Et tout le village est dehors,
Tout le village est accouru
Pour mieux regarder mes garçons.
Deux voivodes, les deux frères,
Mes deux fils fidèles et forts
Se sont battus pour décider
Qui mènerait ma droujina.
La montagne est trop étroite
Pour ma droujina désunie...
Maintenant les têtes tranchées
N'inspirent plus que la pitié.
Frappe-moi, Seigneur, de ta foudre!
Vent, disperse au loin ma poussière!
Que je ne revoie leurs enfants,
Près de leurs malheureuses mères,
Autour des pieux se lamenter
Devant les têtes, mains tendues,
Et, plus tard, souffrir et traîner,
Affamés, en haillons, pieds nus."
Voici la pluie, en grosses gouttes.
Oies et canards fuient bruyamment;
Un terrible orage est en route
Les gouttes vont s'élargissant.
Et chacun cherche à s'abriter.
Le vieillard ne veut pas partir.
"Allons, grand-père, il faut rentrer!"
"Non, tu dois m'aider à mourir."
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